Quel impact aura l’obligation de rénovation des bâtiments résidentiels sur les biens en location?

Quel impact aura l’obligation de rénovation des bâtiments résidentiels sur les biens en location?

Comme nous l'avons déjà communiqué, l'obligation de rénovation des bâtiments résidentiels entrera en vigueur au 1er janvier 2023. L'obligation de rénovation s'applique non seulement lors de la vente d'une maison ou d'un appartement, mais aussi lorsque le bien est ou sera loué. Mais quel est l'impact sur le droit de bail résidentiel ? Un locataire en place peut-il refuser son autorisation d'effectuer les travaux ? Qu'en est-il de l'indemnisation pour perte de jouissance et de la révision du loyer ? Le service d'étude de la CIB a demandé des éclaircissements au ministre flamand du logement, Matthias Diependaele. Il nous a fourni une lettre contenant des précisions supplémentaires.

Tout d’abord, nous rappelons un principe de base fondamental: la vente d’un bien loué ne provoque en aucun cas l’extinction des droits et obligations du locataire.  Le bail se poursuit normalement, seule l’identité du bailleur change. Si le nouveau proporiétaire souhaite résilier le contrat de location, il ne peut le faire qu’en appliquant valablement l’une des possibilités de résiliation prévues dans le droit du bail.

Ceci est issu directement de l’article 38 du Décret flamand sur le bail d'habitation: ‘Si le droit réel relatif au bien loué est transféré, l'attributaire est subrogé à tous les droits et obligations du bailleur qui sont liés au droit réel à la date de la passation de l'acte authentique ou à la date d'élaboration du transfert du droit réel entre le bailleur et l'attributaire si celui-ci a lieu ultérieurement. La disposition précédente s'applique même si le bail réserve la faculté d'expulsion en cas d'aliénation.

Pour les baux conclus avant le 1er janvier 2019, la disposition similaire de l’article 9 de la Loi sur les loyers s’applique.

Question N°1: Refus

La question: Que faire si le locataire refuse par exemple d'effectuer les travaux requis en invoquant sa jouissance paisible ? Le bailleur peut-il s'opposer à ce refus au motif que le locataire rend ainsi impossible le respect d'une obligation légale?

La réponse du ministre Diependaele: Le bailleur doit respecter la jouissance paisible du locataire (art. 14 VWHD). En principe, les travaux d'entretien et de réparation doivent toujours être effectués en concertation et après avoir obtenu l'accord du locataire. Sans accord, le propriétaire doit attendre la fin du bail pour effectuer les travaux.. 

Une exception est prévue dans le droit du bail pour les travaux ou réparations urgents. Les travaux ou réparations urgents sont des travaux qui ne peuvent pas être reportés à la fin du bail parce qu'ils entraîneraient un grave préjudice pour le propriétaire. Il s'agit, par exemple, de travaux indispensables pour éviter que la pérennité du bien ne soit menacée, mais aussi de travaux nécessaires pour se conformer à une obligation légale (comme des normes de qualité minimales plus strictes). 

Dans le cas de l'obligation de rénovation des bâtiments résidentiels, le propriétaire peut invoquer l'existence d'un décret exécutoire, rendant les travaux urgents. Cela signifie que les travaux doivent toujours être réalisés en accord avec le locataire, mais que ce dernier ne peut pas refuser leur exécution (art. 27, 1er alinéa VWHD).

Précision supplémentaire: Le service d'étude de la CIB a également contacté un auteur juridique, qui a abouti en toute indépendance à la même lecture que le ministre. Les travaux obligatoires peuvent donc être catalogués sous le même motif que les travaux urgents, ce qui rend l'article 27 VWHD applicable. L'auteur juridique se base notamment sur une ancienne jurisprudence relative à l'application de l'article 1724 du Code civil, qui contenait en substance la même disposition que l'article 27 VWHD actuel.

Le locataire ne peut pas refuser les travaux. Il peut toutefois demander la résiliation du bail si le bien loué devient inhabitable ou impropre à l'habitation en raison des travaux. En principe, cette demande doit être faite devant le juge de paix, mais si le propriétaire y consent (par exemple parce que cela lui permettra de rénover plus en profondeur pour remplir l'obligation de rénovation), cette solution est également possible.

Enfin, il est important de noter que le propriétaire est limité dans la nature des travaux qu'il peut effectuer en vertu de l'article 27 du VWHD. En effet, l'art. 27 du VWHD (et 1724 du Code civil) autorise uniquement le propriétaire à effectuer les travaux qui sont légalement/décrétalement requis. En d'autres termes, le droit du locataire de refuser les travaux est plus important lorsque le propriétaire veut rénover plus à fond que ne l'exige la loi.

Question N°2: Compensation pour perte de jouissance? 

La questionQu'en est-il des éventuelles pertes de jouissance pendant la réalisation des travaux de rénovation ? Le locataire peut-il demander une compensation à ce titre ? Cela impliquerait un coût supplémentaire pour le propriétaire/investisseur/nouveau propriétaire, suite à une mesure imposée par le gouvernement.

La réponse du ministre Diependaele: Le locataire doit tolérer les travaux même si, de ce fait, il perd la jouissance d'une partie du bien. Toutefois, si les travaux durent plus de 30 jours, le loyer sera diminué proportionnellement à la durée et à la partie du bien dont le locataire a perdu la jouissance.

Précision supplémentaire: Le locataire aura donc bel et bien droit à une compensation sous forme de réduction de loyer. Et ce, si la durée des travaux excède les 30 jours. A noter que pour les contrats datant d'avant le 1er janvier 2019, ce délai est de 40 jours. Ces contrats sont en effet régis par la Loi sur les loyers, qui prévoit une durée plus longue.

Question N°3: Options de résiliation

La questionQue se passe-t-il si le locataire refuse de coopérer mais que l'ampleur des travaux de rénovation ne permet pas la résiliation selon le Décret flamand sur le bail d'habitation? Ne faudrait-il pas envisager dans ce cas d'assouplir la possibilité de résiliation ?

La réponse du ministre Diependaele: Cette troisième question concernant les possibilités de résiliation n'est pas soulevée, puisque le locataire est tenu d'autoriser les travaux urgents.

Précision supplémentaire: Le propriétaire ne dispose pas de moyen de préavis particulier dans le cadre de l'obligation de rénovation résidentielle, mais il peut bien entendu avoir recours au préavis prévu pour les travaux de rénovation approfondie, à condition que les conditions soient remplies. Cela permettrait par ailleurs au propriétaire de rénover plus profondément que ce qui est prévu dans l'obligation de rénovation résidentielle.

Question N°4: Révision du loyer

La questionQu'en est-il de la révision du loyer? Les travaux de rénovation entraînant un confort amélioré, il semble logique qu'ils puissent donner lieu à une révision raisonnable du loyer. Toutefois, la loi sur les baux d'habitation doit le prévoir.

La réponse du ministre Diependaele: En principe, le loyer reste inchangé pendant toute la durée du bail, exception faite de l'indexation. Toutefois, le Décret flamand sur le bail d'habitation prévoit des possibilités de révision du loyer, notamment après l'exécution de travaux. 

L'art. 35, §2 du VWHD aborde explicitement les investissements en matière de réduction énergétique. Cette disposition prévoit que le locataire et le propriétaire peuvent convenir d'une révision du loyer suite à des investissements en matière de réduction énergétique dans le bien. Si les parties ne parviennent pas à une entente, le propriétaire peut recourir aux tribunaux.. 

Le Décret flamand sur le bail d'habitation définit les mesures de réduction énergétique comme des investissements qui améliorent la performance énergétique du bien, comme mentionné dans l'article 1.1.2, 42°/1, du Décret sur l'énergie du 8 mai 2009. 

Dans l'hypothèse d'un recours, le tribunal accordera une révision du loyer à condition que la valeur locative courante du bien loué soit supérieure d'au moins 10% au loyer exigible à ce moment-là, grâce aux investissements ou aux travaux réalisés. Ainsi, en cas d'investissements plutôt limités, aucune révision n'est possible. Dans d'autres cas, le tribunal se prononce sur la révision du loyer en fonction de l'équité.

Précision supplémentaire: Précisons que ce dispositif ne s'applique qu'aux baux conclus à partir du 1er janvier 2019. Les contrats plus anciens sont soumis à la Loi sur les loyers, qui ne prévoit pas de mécanisme de révision de prix spécifique pour les travaux de réduction énergétique. Pour ces contrats plus anciens, il faut donc se rabattre sur les dispositions générales de révision des loyers, plus contraignantes en termes de délais et de procédures.

Question N°5: État des lieux intermédiaire

La questionles travaux nécessiteront par ailleurs un état des lieux intermédiaire, dont le coût devrait logiquement être partagé entre les parties.

La réponse du ministre Diependaele: En cas de modifications significatives du bien loué, l'une ou l'autre des parties peut exiger qu'un addendum soit fait à l'état des lieux initial. Sans accord entre les parties, le tribunal peut désigner un expert. Ainsi, l'établissement d'un état des lieux intermédiaire n'est pas obligatoire, mais le sera sur demande de l'une des parties. Les frais d'un état des lieux (intermédiaire) sont partagés à parts égales entre le bailleur et le locataire (art. 9, §2 du VWHD)

CIB (2022, 6 september)